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Inde : un enseignement non violent envers les animaux
Asia Times – 03 décembre 2011
Raja Murthy – auteur indépendant, Mumbai (Inde)
En interdisant depuis peu de disséquer des animaux dans les laboratoires universitaires, l’Inde a fait progresser la reconnaissance du droit à la vie des animaux et compte à terme abolir ces pratiques à l’échelle nationale. Désormais, étudiants et enseignants s’appuieront sur des simulations informatiques pour étudier l’anatomie au lieu de torturer des animaux au nom de la science.
Les recommandations contre la dissection émises par la Commission UGC des subventions universitaires (University Grants Commission), qui est l’autorité de tutelle de l’enseignement supérieur, épargneront près de 19 millions d’animaux chaque année en Inde.
Elles réduiront les souffrances des nombreuses espèces (lapins, singes, chats, cochons d’Inde, grenouilles, souris, papillons et autres insectes) qui sont coupées en morceaux dans les laboratoires ou soumises à toutes sortes d’expériences ou de procédures douloureuses.
Les « Recommandations relatives à l’arrêt progressif de la dissection et de l’expérimentation animale en Zoologie/Sciences de la vie » publiées par l’UGC le 26 novembre 2011 ont été produites par un groupe de travail chargé d’étudier spécifiquement la question [1]. Elles portent un coup d’arrêt à 90 ans de pratiques sur les animaux dans les laboratoires de biologie du sous-continent.
L’opposition à la dissection animale gagne du terrain à travers le monde. L’Argentine, l’Australie, Israël, l’Italie, la Pologne ou encore la Suisse ont décidé d’interdire cette pratique dans les écoles ou de ne l’autoriser qu’à l’université.
Aux États-Unis, l’État de New York, le New Jersey, la Californie, l’Illinois, la Pennsylvanie, la Virginie, le Vermont, le Rhode Island et l’Oregon laissent aux étudiants la liberté de choisir ou ont instauré des comités de surveillance spécifiques.
Quelque 6 millions de vertébrés sont disséqués chaque année dans les lycées américains et plus de 170 espèces d’animaux non humains sont soumises à des procédures de dissection ou de vivisection – autrement dit découpées alors qu’elles sont toujours en vie [2].
Les recommandations indiennes sont le premier exemple d’une action soutenue par le gouvernement en vue d’interdire progressivement la dissection à tous les niveaux ou de la limiter à des travaux « essentiels » sur des animaux de laboratoire.
Dans ce pays, la liberté de choisir a été reconnue aux élèves par les pouvoirs publics en 1997 et l’interdiction de disséquer des rats, des grenouilles et des souris a été prononcée en 2001 pour les plus de 8500 écoles relevant du Conseil central de l’enseignement secondaire.
De grandes facultés de médecine américaines comme Harvard, Stanford et Yale ne forment déjà plus leurs étudiants sur des animaux vivants mais sur des cadavres humains et à partir de simulations.
Pilote en matière d’apprentissage plus compatissant des sciences, le centre de recherche national Mahatma Gandhi Doerenkamp (MGDC) a pour mission de découvrir des « Alternatives à l’utilisation des animaux dans l’enseignement des sciences de la vie » dans le respect du principe de non violence (ahimsa) défendu par Gandhi.
Le MGDC soumet de nouveaux programmes d’enseignement à l’approbation de l’UGC, une initiative qui permet d’élargir à d’autres êtres sensibles le dicton « Traitez les autres comme vous aimeriez qu’ils vous traitent ».
Créé par la fondation suisse Doerenkamp-Zbinden, le centre Mahatma Gandhi Doerenkamp travaille sur des outils de formation par simulation informatique de la dissection, avec le concours de groupes de protection des animaux tels que PETA, People for Animals et I-CARE.
Les recommandations de l’UGC aboliront des mesures que les militants pour les droits des animaux entre autres considèrent comme l’arrogance froide et barbare d’une espèce parmi des millions d’autres sur cette planète qui agit comme si le monde entier n’était là que pour la servir.
Pour MA Akbarsha, directeur du MGDC, les recommandations de l’UGC sont « d’une importance historique, ouvrant la voie à la restauration des habitats d’espèces menacées, de la biodiversité et de l’équilibre écologique ».
Les recommandations contre la dissection de l’UGC se préoccupent tout autant du respect de la vie que des problèmes environnementaux : « … à la lumière de l’avènement de nouvelles disciplines comme la biodiversité, la biochimie, la biophysique, la biologie moléculaire, etc., l’importance accordée actuellement aux travaux pratiques d’anatomie est excessive. (…) Le nombre de ces institutions s’est multiplié et plus d’un million d’étudiants s’inscrivent à des programmes qui imposent des dissections d’animaux. La plupart des animaux sont capturés à l’état sauvage et leur soustraction sans discernement de leur milieu naturel perturbe la biodiversité et l’équilibre écologique.
Les dissections d’animaux contribuent de fait à la perte d’habitats, à la pollution, aux changements climatiques et à l’affaiblissement des populations animales. Il est évident que la demande en animaux pour la dissection alourdit la pression sur les espèces menacées. Les grenouilles, dont le déclin de population a atteint récemment des seuils alarmants, sont souvent citées en exemple. »
Le siège de PETA à Mumbai a qualifié l’évolution de l’UGC de « victoire majeure pour les animaux ». PETA Inde a fait campagne pour réclamer l’interdiction de la dissection, notamment en écrivant au comité d’experts de l’UGC et en faisant signer des pétitions aux étudiants et dans la rue.
Coordinatrice de projets pour PETA Inde, Benazir Suraiya a raconté le dégoût qu’elle a ressenti en assistant à la vivisection d’animaux en laboratoires, avec et sans anesthésie.
« Alors que la dissection de cadavres humains se pratique dans les facultés de médecine, il est particulièrement injuste de tuer pour des expériences ou de découper encore vivants des animaux qui ne sont pas capables de dire leur douleur ni de se défendre. Les animaux ont autant que nous le droit de vivre sur Terre », a déclaré Suraiya à Asian Times Online.
Un point de vue raisonnable sachant que l’auteur n’apprécierait pas d’être enfermé par Bugs Bunny puis tronçonné vivant dans le but de développer une super carotte ne présentant aucun risque pour le bien-être des lapins.
Selon les militants pour les droits des animaux, des études ont par ailleurs montré que l’utilisation d’animaux pour la dissection et l’expérimentation met beaucoup d’étudiants mal à l’aise, de l’école à l’université, et les dissuade souvent de poursuivre une carrière scientifique.
La préparation de programmes alternatifs est l’affaire du centre MGDC rattaché à l’université de Bharatidasan à Tiruchirappalli (Trichy) au sud de l’Inde. Le centre a mis en exergue sur son site Internet la citation du Mahatma Gandhi : « La grandeur d’une nation et ses progrès moraux peuvent être jugés à la façon dont elle traite ses animaux ».
Approuvées par le ministère du Développement des ressources humaines, les recommandations de l’UGC ont été publiées après la prise en compte des entorses des lois en vigueur sur l’utilisation des animaux dans les laboratoires.
Les nouvelles recommandations sont en phase avec la Loi de 1972 relative à la protection de la faune et de la flore sauvages, et la Loi de 1960 relative à la prévention de la cruauté envers les animaux. L’article 51A (G) de la constitution indienne stipule : « Il est du devoir de tout citoyen de l’Inde de protéger et de favoriser l’environnement naturel, notamment les forêts, les lacs, les cours d’eau, la faune et la flore sauvages, et de faire preuve de compassion envers toutes les créatures vivantes ».
Les recommandations appliquent en réalité l’Article 17.1 (d) de la Loi de 1960 relative à la prévention de la cruauté envers les animaux. Ce texte incite à éviter le plus possible l’expérimentation animale dans les facultés de médecine, les hôpitaux, les laboratoires scientifiques, etc. dès lors que des alternatives tels que des livres, des mannequins, des films etc. apportent les mêmes enseignements. Dans son Article 17 (f), la loi demande, si possible, de ne pas utiliser l’expérimentation animale dans le seul but d’acquérir des gestes techniques.
Le MGDC a organisé les 25 et 26 novembre 2011 à l’université Stella Maris (Chenmai) un week-end de réflexion sur de nouveaux modes de promotion de l’enseignement des sciences sans torturer d’êtres vivants. Ce cursus moins violent pourrait comporter un rappel que nul n’échappe à cette loi de la nature : qui sème le vent récolte la tempête.
Notes :
1. Commission UGC des subventions universitaires de New Dehli, Recommandations relatives à l’arrêt progressif de la dissection et de l’expérimentation animale en Zoologie/Sciences de la vie (en anglais) (http://www.ugc.ac.in/notices/guidelines_animaldisection.pdf)
2. Procédure courante dans les classes de premier cycle, la décérébration consiste à détruire le système nerveux central d’un animal pour étudier différents processus physiologiques. Selon la Humane Society of the United States (Washington), elle est surtout pratiquée sur des grenouilles et des tortues. Après avoir endommagé la moelle épinière de l’animal vivant, une aiguille est introduite derrière le crâne et manipulée pour « triturer » le tissu cérébral. Les étudiants insèrent ensuite l’aiguille dans le canal rachidien pour détruire les réflexes de l’animal qui, toujours vivant, continue à manifester des réactions physiologiques plusieurs heures après la décérébration. – Questions et réponses sur la dissection, Humane Society of the United States (http://www.humanesociety.org/issues/dissection/qa/questions_answers.html)
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