Je suis toujours très contente quand je découvre des informations sur Kalunga car c'est mon nom d'artiste et même dirais-je qu'il devient nom de famille peu à peu, bien au delà de l'Art mais toujours relié à la Création et à la Vie.
Pour rappel Comment j'ai trouvé Kalunga comme nom, c'est ici :
http://cathykalunga.blogspot.com/2008/10/pourquoi-kalunga.html
Cette fois ci c'est le premier roman de Clementine Faïk-Nzuji, Anya ou les clés du rêve. Kalunga est le nom d'un village au Congo qui signifie "qui relie", c'est une quête spirituelle et d'identité.
Je ne l'ai pas encore lu car c'est en regardant les mots clés de ce matin avec les statistiques google que je l'ai découvert, bien que je connaissais déjà Clémentine Faik-Nzuji puisque c'est grâce à son livre sur les symboles sacrés en Afrique Noire que je découvris en 1995 la signification de Kalunga.
Donc je fais tout simplement un copié-collé de l'article du blog La Voie du Kasai sur son livre en le remerciant infiniment pour ce travail de présentation.
« Anya », le premier roman de Cl.Faïk-Nzuji ou les clés du rêve
Il faut rappeler, à juste titre, que Cl. Faïk-Nzuji est une véritable configuration congolaise, selon une belle expression empruntée à Alain Ricard.Elle représente et incarne de belle manière ce qui , aux yeux du chercheur français, fait la spécificité de la littérature congolaise(RDC). Les écrivains de ce champ, contrairement à la plupart de ceux issus des anciennes colonies françaises, sont à la fois des philologues et des créateurs.Cet alliage fécond aura produit un corpus impressionnant où se révèle une connaissance très précise des textes de la tradition orale dans leur dimension linguistique et esthétique. Dans le domaine de la linguistique et de l’esthétique littéraire des textes relevant de l’oralité Clémentine Faïk-Nzuji a signé, entre autres, « Le chant kasala des Luba »(P.U.Z., 1977, 450p.), un essai savant sur la poésie panégyrique luba .Elle a par ailleurs analysé et livré les clés des symboles qui subsument l’art et le langage des peuples africains.
Ce volet scientifique et théorique de son œuvre a fini en quelque sorte par éclipser son œuvre littéraire constituée des poèmes, de nouvelles et de contes.
Anya s’inscrit au carrefourdes quêtes qui ont marqué la trajectoire scientifique et littéraire de l’auteur.C’est pourtant une œuvre littéraire à part entière, d’une lecture aussi agréable qu’instructive.
Le thème du rêve qui nourrit la trame de Anya, sous-titré roman initiatique est éminenment universel.Le personnage éponyme, une jeune femme mal dans sa peau , entame une sorte de retour aux sources, en terre africaine en quête des réponses aux rêves troublants qu’elle ne cesse d’enfiler et dont elle consigne les détails dans des carnets intimes.
Elle se rend dans le pays de ses aïeux où elle se met à l’école de son oncle paternel Vuluka( patronyme programmatique qui signifie « Souviens-toi ! »). Leur quête respective de sens, leur envie de déchiffrer le passé et de décoder les messages enfouis dans les rêves les portent à un dialogue fructeux, émaillé de signes révélateurs.Dialogue qui consiste en un voyage plein d’enseignements dans le passé familial avec son lot de secrets, de disputes, et de drames.
Le séjour de trois jours près de l’oncle Vuluka, est une intiation au langage fascinant et déroutant des rêves.
Le récit vacille sans cesse, entre rêve et réalité, ombre et lumière, jour et nuit, certitude et questionnement.Il en résulte un rythme binaire , nourri du va-et-vient incessant entre deux polarités dont le caractère contradictoire s’estompe pourtant au fil des pages.
Cette binarité est également sensible dans le fait que deux personnages dominent le roman ; c’est le dialogue à deux qui se tisse entre la nièce et son oncle qui en constitue la trame.
Cette oscillation entre le monde opaque et énigmatique du rêve et celui de la vie de tous les jours contribue à relancer sans cesse le dialogue . Il est l’axe sur lequel repose la construction romanesque.
Deux voix nouent un dialogue hallucinant où s’entrechoquent les angoisses de deux êtres, où se revèlent leurs manques, où entre en collision leurs affects, leurs vécus.Ce dialogue est vécu pourtant de part et d’autre comme réparateur.
Anya découvre l’aspect libérateur de la parole.Elle apprend à défaire les nœuds coulants de ses angoisses.Elle est initiée à l’art d’interpréter les rêves, portail dont le franchissement lui permettra de sauter à pieds joints dans le monde de la sagesse reposant sur des repères stables.
Lestée de rêves qu’elle est incapable de décoder , Anya pourra les décoder grâce à son oncle , qui lui même n’a cessé depuis sa petite enfance dêtre hantée par des visions et des cauchemars et qui en viendra à en maîtriser l’interprétation.
Le rêve est un langage structuré dans ses moindres détails, un code, un discours à part entière,
mais dont l’interprétation bute sur l’opacité des symboles.
C’est le désir irrépressible de comprendre ce langage diurne, d’en saisir la face cachée qui est le motif de la quête qu’entreprend Anya.
Par ailleurs, dépositaire d’une mémoire familiale riche mais embrouillée, elle part à la quête des pièces manquantes du puzzle.Le silence pesant sur certains membres de sa famille, ou encore sur certains épisodes de la saga familiale sont autant des brèches à combler.
Ses rêves sont le déclencheur de son malaise dont les racines profondes échappent obstinément à ses ratiocinements.
Son voyage en Afrique est une tentative de venir à bout des angoisses et des cauchemars qui ont fini par lui gâcher la vie. L’oncle lui explique les tenants et les aboutissants de sa quête : « Tu étais arrivée au point de jonction , où il t’était devenu impossible de poursuivre ta vie, sans avoir trouvé de solution au désarroi intime qui te minait. Tu es venue rechercher dans le passé , dans tes racines des indices pouvant t’aider à déceler quelques réponses. Mais ma fille, existe-t-il seulement quelque part une réponse ? »(Anya, p108-109)
Isolés des autres membres de la famille et des habitants du village de Kalunga , la nièce débarquée de manière impromptue de l’Europe, et l’oncle qui a changé de nom afin d’assumer sa mission de transmission du message lui légué par son père, entament un dialogue qui bouscule les frontières et les barrières de générations.
L’oncle chargé des ans est aussi une véritable instance critique qui tout en étant féru des références ancestrales s’efforce d’en livrer une lecture raisonnée, distanciée, et nourrie par toute une vie semés d’embûches où les expériences malheureuses ne font pas défaut.
Il n’est pas aventureux à la lumière de cet exemple et de biens d’autres d’avancer qu’il est l’alter ego de l’auteur. A travers lui, la romancière s’adonne au décodage des symboles qui nous voilent le sens profond des rêves et qui sont dévoilés grâce à la sapience des anciens laquelle plonge ses racines dans un terreau immémorial.
Ce premier roman vient jalonner à son tour un long cheminement qui a pris en charge de manière exemplaire la question des fondements symboliques du langage et de l’art en Afrique.
C’est moins une première tentative qu’une œuvre d’une éclatante maturité.Loin des certaines modes parisiennes avec leurs fanfreluches, leurs redites, leur style convenu, leur féminisme de commande qui sent parfois l’huile.
La leçon qui s’en dégage, c’est que le rêve pour l’Africain est non l’envers du réel mais son pendant et même le code le plus sûr de son interprétation. est au cœur d’Anya.
De fait aucun rêve ne peut être interprété au petit bonheur à la chance.C’est dans l’épaisseur des symboles charriés par tout rêve que gît la clé de sa signification toujours en prise avec la vie.
Anya, est un texte grave et sobre, riche de résonnances et dont la musique tissée de main de poétesse pour son édification comme pour son plaisir accompagnera longtemps le lecteur.
L’auteur évoque avec grâce des paysages crépusculaires, ce qui en dit long sur sa propre connivence avec la nature , jamais réduite à un décor.En effet, l’être humain et la nature n’ont un sens que l’un par rapport à l’autre.
Cl.Faïk-Nzuji, « Anya.roman initiatique », Bierges, Editions Thomas Mols.Postface de Pierre Yerlès, 192 p.
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